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Publié 21 février 2020

Elaine de Kooning

Elaine de Kooning (1918-1989), Bill à St. Mark’s, 1956, huile sur toile, 183 x 109,7 cm. MBAM, achat, don de Roslyn Margles à la mémoire de son époux Max H. Margles. © EdeK Trust

Artiste, écrivaine, enseignante et critique d’art, Elaine de Kooning est une figure de proue de l’expressionnisme abstrait. Bien que sa carrière artistique ait souvent été éclipsée par celle de son célèbre compagnon, Willem de Kooning, elle est l’une des rares femmes de sa génération à avoir été considérée comme une artiste à part entière. Avec Jackson Pollock, Robert Motherwell, Lee Krasner et Franz Kline, entre autres, elle participe au révolutionnaire Ninth Street Show (1951), exposition inaugurale de ce groupe d’artistes collectivement appelé les expressionnistes abstraits, ou l’école de New York. Elle est aussi membre fondatrice de l’Eighth Street Club, dans l’East Village de New York, l’un des principaux points de ralliement des artistes, musiciens et écrivains de l’avant-garde.

Bill à St. Mark’s est l’une des peintures majeures de l’artiste. Réalisée dans un atelier qu’elle occupe brièvement sur la place St. Mark, dans l’East Village, elle constitue l’un des quatre portraits de son mari que nous lui connaissons. Une silhouette masculine, assise de face, les mains sur les cuisses et les jambes écartées, occupe l’espace avec autorité. Le modèle projette une virilité affirmée, amplifiée par les vigoureux coups de pinceau et la richesse de la palette – bleus intenses, jaune moutarde, vert foncé, orange mêlé de rouge – qui découpent les contours de son corps. Sa présence et sa personnalité sont représentées par la pose, le geste et la couleur plutôt que par les traits de son visage, carrément absents : en effaçant le visage, ce qui renverse complètement les conventions du portrait, Elaine de Kooning crée une relation tenant de l’alchimie entre l’observateur et l’observé. La peinture semble se transformer constamment ; elle est « […] à la fois immobile et mouvante, comme un drapeau dans le vent1 », forçant à voir au-delà des traits faciaux facilement lisibles du sujet pour distinguer les nuances plus subtiles de son caractère. « Je veux qu’il y ait là quelque chose allant au-delà du simple visuel2 », explique-t-elle.

L’année de la réalisation de cette peinture, 1956, s’avère cruciale pour l’artiste comme pour l’expressionnisme abstrait : elle marque le décès de Pollock et la rétrospective de grande envergure qui lui est consacrée au MoMA. Elaine de Kooning fait quant à elle l’objet d’une exposition solo à la Stable Gallery et figure dans Expressionism, une exposition organisée au Walker Art Center, Minneapolis, et présentée par la suite à l’Institute of Contemporary Art, Boston, et à l’Albright-Knox Art Gallery, Buffalo. Elle compte parmi les têtes d’affiche de l’exposition Young American Painters, organisée par Dorothy Miller, commissaire au MoMA – une exposition mise en tournée dans 16 villes, dont Winnipeg. L’année 1956 marque également la décision d’Elaine et de Willem de Kooning de poursuivre leurs chemins séparément. Jamais divorcés, réconciliés vingt ans plus tard, ils demeureront proches jusqu’à la toute fin.

Marquant la première grande acquisition d’une peinture de l’expressionnisme abstrait par le MBAM, cette oeuvre est la première d’Elaine de Kooning à entrer dans une collection publique canadienne. Cette acquisition historique a été rendue possible grâce à la générosité exceptionnelle de Roslyn Margles.


Mary-Dailey Desmarais


1 Elaine de Kooning à Ann Gibson, citée dans «Fortune», Elaine de Kooning et coll. (dir.), Elaine de Kooning: Portraits, New York, DelMonico Books, 2015, p. 29.
2 Ibid., p. 30.

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