Anne Kahane

Au cœur de l’exposition se trouvent trois sculptures en bois – matériau de prédilection de l’artiste – datant de 1968. Chaque pièce est taillée dans du pin canadien, un bois choisi pour sa légèreté, sa teinte claire et le raffinement de son grain naturel, volontairement laissé apparent. Les sculptures sont exécutées en ronde-bosse, non peintes, dépourvues de tête et de bras, et se caractérisent par des volumes arrondis et minimalistes, évocateurs du corps humain. Elles reposent sur de longues planches de bois verticales qui suggèrent la position debout et prolongent la silhouette vers le sol. Chacune de ces œuvres présente de légères variations de hauteur, de proportion et de volume, traduisant une recherche formelle sur les rapports entre masse, équilibre et abstraction.

Les deux séries d’estampes présentées dans l’exposition, datant des années 1970 et 2010, font écho à la complexité formelle des sculptures en bois, tout en constituant des corpus d’œuvres à part entière. Dans les années 1970, ayant délaissé les sujets figuratifs, Kahane se tourne vers un langage visuel plus dépouillé. Les dix eaux-fortes de la série « Structure » (1973-1975) ouvrent la voie à une exploration abstraite linéaire : des formes fermées et ouvertes, composées de lignes fines et précises, s’y confondent en un réseau organique. Imprimées à la main, elles témoignent, dans leur forme et leur composition, d’un grand souci de rigueur et d’équilibre.

À partir des années 1990, Kahane renoue avec la gravure sur bois et explore la couleur. En 2010, à quatre-vingt-six ans, elle crée la série « Canti » (2010-2011), inspirée du recueil de poésie de l’auteur et philosophe italien Giacomo Leopardi. Fascinée par le caractère intraduisible de ces grands poèmes de la littérature italienne du 19^e siècle, l’artiste transpose leur dimension existentielle dans une série de 35 gravures (une pour chaque poème) sur bois en couleurs. Résolument modernes dans leur langage visuel, les Canti traduisent l’émotion poétique par une économie de moyens : formes simples, palette de couleurs réduite, compositions condensées. Les thèmes abordés – solitude, isolement, chagrin, aliénation – font écho à ceux de Leopardi, dont le processus de révision constante et d’évolution stylistique résonne profondément chez Kahane. Les visiteuses et visiteurs qui prendront le temps d’observer ces poèmes chromatiques pourront en apprécier les subtiles variations et ressentir toute la puissance émotionnelle qui émane de leurs correspondances.