Les œuvres de cette section dépeignent les souffrances profondes et les traumatismes engendrés par la tentative de génocide culturel des peuples autochtones d’Amérique du Nord. Monkman érige la souveraineté narrative et les valeurs matriarcales autochtones en fondements d’un processus de vérité, dans une étape essentielle à la guérison et la reconstruction.
La Loi sur les Indiens du Canada (1876) et l’Indian Removal Act des États-Unis (1830) ont interdit les langues autochtones, les pratiques culturelles et la transmission intergénérationnelle des savoirs. Jusqu’à la fin des années 1990, des générations d’enfants autochtones ont été arrachées à leurs familles et envoyées de force dans des pensionnats institués pour « sortir l’Indien de l’enfant », où régnaient une violence cruelle et un endoctrinement religieux fondé sur la suprématie culturelle.
La Commission de vérité et réconciliation du Canada (2007-2015), chargée de créer un registre historique de ces événements, a qualifié ces politiques de génocide culturel. Les membres de la famille de Monkman figurent parmi les survivant·es de ce système institutionnalisé.
Depuis l’essor du mouvement des droits autochtones dans les années 1960 et 1970, de nombreux peuples autochtones ont résisté aux politiques de répression en réinvestissant, temporairement ou définitivement, leurs terres et leurs eaux ancestrales, et en incarnant une résurgence autochtone portée par la revitalisation des langues, des arts et des savoirs écologiques.

Kent Monkman (1965-), Le déluge, 2019, acrylique sur toile, 304,8 x 259 cm. Canada, collection particulière. © and image courtesy Kent Monkman
Le déluge s’adresse directement aux personnes ayant vécu l’expérience douloureuse des pensionnats. Avec l’aide des ancêtres, Miss Chief soulève les enfants hors du déluge métaphorique du déracinement causé par les cultures colonisatrices et les ramène auprès de leurs familles.
L’œuvre rend hommage à celles et ceux qui ont mené la lutte pour leur retour et continuent à se battre pour exposer l’ampleur réelle des atrocités vécues et replacer la protection des enfants sous l’autorité des nations autochtones.
Cette œuvre assumée met en évidence les ravages de la violence coloniale et donne voix aux personnes que l’on réduit trop souvent au silence.
La figure nue aux formes cubistes, allongée dans une rue de banlieue, n’est qu’un des éléments d’une scène où s’expriment les strates de la violence insidieuse fondée sur le genre que subissent en permanence les femmes, les filles et les personnes bispirituelles autochtones : marginalisées, hypersexualisées, dévalorisées.

Kent Monkman (1965-), Mort de la femme, 2014, acrylique sur toile, 213,4 x 320 cm. Santa Fe (Nouveau-Mexique), Collecton Tia. © and image courtesy Kent Monkman

Kent Monkman (1965-), La constellation des savoirs, 2022, acrylique sur toile, 236,2 x 315 cm. Collection Pierre Lassonde. © and image courtesy Kent Monkman
Dans cette scène, plusieurs générations d’ancêtres se rassemblent dans le monde des esprits. Miss Chief, qui tient une plume d’aigle sacrée, nous rappelle la nature relationnelle, intemporelle et intergénérationnelle des liens qui nous unissent au sein des constellations de parenté. Elle donne cet enseignement : « Souvenez-vous que vous êtes de ce monde, des étoiles, des rochers, de l’eau, de la terre et du ciel. Vous appartenez également à de nombreux autres mondes, des mondes d’une étendue et d’une beauté inimaginables. Vous êtes le remède dont vous avez besoin. »
À celles et ceux qui ont été perdu·es, brisé·es, qui ne sont jamais revenu·es – il y aura toujours un vide là où vous auriez dû être. Cette perte indicible nous serre le cœur à jamais.
—Miss Chief Eagle Testickle

Vue de l’exposition Kent Monkman : L’Histoire est dépeinte par les vainqueurs. © Kent Monkman. Photo MBAM, Jean-François Brière
