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Le pouvoir de la réappropriation visuelle

KENT MONKMAN : GUIDE D'EXPOSITION

Au 19ᵉ siècle jusqu’au tournant du siècle suivant, les peintures et photographies d’artistes canadiens et américains non autochtones, notamment Albert Bierstadt, George Catlin, Edward S. Curtis et Paul Kane, ont façonné la vision nord-américaine des peuples autochtones et des paysages de l’Ouest.

Leurs représentations romantiques de vastes étendues lumineuses, vides de toute présence, et de chefs stoïques ont servi d’outils de propagande à l’expansion coloniale, qui a violemment dépossédé les confédérations et nations autochtones de l’île de la Tortue (l’Amérique du Nord) par des déplacements forcés et de nombreux massacres.

Monkman détourne ce pouvoir illégitime en inversant les rapports de force dans la représentation visuelle et en réaffirmant symboliquement la souveraineté autochtone sur ces paysages. À travers ses œuvres, il met en scène des identités, des expériences et des vérités autochtones.

Ces récits, qui bousculent les perspectives établies et exposent injustices et discriminations non sans déconcerter, nous rappellent que l’art, la créativité et même l’humour peuvent ouvrir de nouvelles voies de compréhension.

Variations sur la peinture d’histoire

Dans la seconde moitié du 18ᵉ siècle, un intérêt croissant pour l’art et la culture de la Grèce et de la Rome antiques inspire plusieurs artistes des États-Unis et d’Europe. Dans le style néoclassique qui émerge alors, les peintres académiques réalisent de grandes compositions historiques illustrant des scènes et des thèmes de l’Antiquité. Si ces œuvres semblent, à première vue, orientées vers le passé, elles expriment en réalité les valeurs culturelles, les hiérarchies symboliques et les idéologies politiques de leur époque.

Au 19ᵉ siècle, des artistes d’avant-garde en France et aux États-Unis renversent les conventions de la peinture d’histoire en représentant des événements contemporains à une échelle monumentale, format jusque-là réservé aux grands récits du passé.

Certaines œuvres reflètent l’imaginaire et l’émotion du romantisme, tandis que d’autres, ancrées dans le réalisme, mettent en scène le quotidien de gens ordinaires dans de grandes compositions. Monkman emboîte le pas à ces artistes et puise dans leur imagerie pour mettre en lumière des expériences vécues actuelles.

Kent Monkman (1965-), Un dimanche au parc, 2010, acrylique sur toile, 182,9 x 243,8 cm. Collection Belinda Stronach. © and image courtesy Kent Monkman

Cette scène idyllique de détente et de vie communautaire met en scène les kâ-wâsihkopayicik, terme employé par Miss Chief pour désigner ses ami·es les plus élégant·es et flamboyant·es. Elle évoque Un dimanche après-midi à l’île de la Grande Jatte (1884-1886) du peintre Georges Seurat, où des gens profitent du parc situé à l’ouest de Paris.

Monkman renverse ici cette vision pittoresque du pique-nique bourgeois pour rappeler que les parcs nationaux, les hauts lieux touristiques et les territoires prisés pour la chasse ont été aménagés sur des terres autochtones.

La scène contraste avec les paysages vastes et inhabités peints au 19e siècle par des artistes non autochtones comme Albert Bierstadt, dont les œuvres ont contribué à promouvoir l’expansion vers l’Ouest.

Monkman recrée ici un paysage imaginé et peint par Albert Bierstadt au 19e siècle, qu’il utilise comme toile de fond pour une scène où Miss Chief divertit le lieutenant-colonel George Armstrong Custer et les soldats du 7ᵉ régiment de cavalerie. Ces derniers se baignent, s’amusent et se prélassent au soleil dans des poses qui évoquent les nus masculins peints et photographiés par l’artiste du 19e siècle Thomas Eakins.

La peinture sur le chevalet de Miss Chief fait allusion à un dessin de Red Horse, artiste lakȟóta, qui représente la bataille de l’Herbe grasse (Little Bighorn), au cours de laquelle des guerriers autochtones ont vaincu et tué Custer. Monkman nous invite à réfléchir : qui écrit l’histoire, et quelles perspectives ont été effacées ?

Kent Monkman (1965-), L’Histoire est dépeinte par les vainqueurs, 2013, acrylique sur toile, 182,9 x 287,7 cm. Denver Art Museum, gift from Vicki and Kent Logan to the Collection of the Denver Art Museum. © Kent Monkman

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