« Ma première rencontre avec Jean Paul Riopelle était surprenante – un agréable soulagement. Je m’attendais à un artiste caractériel et difficile, mais une fois en haut de l’escalier menant à sa chambre au dernier étage, dans un quartier ouvrier de Paris, j’ai découvert un type robuste et naturel. Il avait quelque chose de courtois et de galant, un gentleman né aux allures de personnage mal équarri. Il nous a accueillis chaleureusement, Estrellita et moi, puis a débouché une bouteille de vin préludant à une bonne conversation.
La méthode de travail de Riopelle [était] aussi erratique et rapide que sa Bugatti, dans laquelle nous avons sillonné les routes étroites et graveleuses de la France. Il pouvait se passer des semaines, voire des mois, sans qu’il soulève un pinceau. Et soudain, il entrait dans une période d’activité intense frôlant la frénésie pendant laquelle on aurait dit que l’art explosait en lui. Des semaines durant, oubliant même de manger et de dormir, il couvrait toile après toile de ses uniques empâtements enchevêtrés aux couleurs vives. Et son labeur créatif ne se calmait que lorsque cette pulsion était elle aussi assouvie.
Mais c’était plus qu’un peintre. Quand je l’ai rencontré en 1965, il explorait la sculpture et venait d’achever une œuvre. Elle était à côté de lui alors que nous discutions, et je l’ai intégrée à son portrait. »