Célèbre pour ses caricatures politiques, c’est comme peintre que Daumier veut s’imposer quand il expose ce tableau extraordinaire au Salon officiel de 1850 à Paris. Le sujet vaguement mythologique est inhabituel pour cet artiste d’inspiration réaliste. Il s’agit davantage d’un prétexte pour dévoiler deux femmes échappant à leurs poursuivants, la poitrine dénudée au milieu d’un tourbillon de draperies. Qualifiée de « charivari de couleurs », l’œuvre est froidement accueillie par la critique. Daumier la retouche à la fin de sa vie en la zébrant de verts et d’orangés criards. Le résultat en fait certainement l’un des plus étonnants tableaux de son œuvre. Il rend hommage à l’art flamand, rocaille et romantique avec l’opulence sensuelle de ces bacchantes étourdies par l’ivresse, l’assourdissant jeu de couleurs et la nervosité de la touche. En utilisant par endroits un système audacieux de hachures pour restituer des plans colorés, il semble devancer les recherches impressionnistes.