Sans aucun doute, cette œuvre est la plus célèbre de cet artiste dont la vie est peu connue. Après s'être formé dans l'atelier du grand sculpteur romantique Rude, Gautier produit beaucoup de modèles de bronzes d'art pour différents fondeurs. Il aurait fait ce Méphistophélès en plâtre en 1853. À l'Exposition universelle de 1855, un bronze figure à la section industrielle en bronze, un exemplaire étant acheté par Napoléon III pour son cabinet de travail.
Personnage de la légende médiévale de Faust, Méphistophélès est tour à tour un génie du mal, un pitoyable ange déchu ou bien un démon de la connaissance aspirant à dominer le monde pour le détruire. À l'époque romantique jusqu'au Second Empire, il devient très populaire après le Faust de Goethe (1773) qui porte une nouvelle dimension métaphysique et humaine, avec ceux de Berlioz, Schumann, List et l'opéra de Gounod, outre les illustrations de Delacroix. Dans une scène de Schumann, Marguerite se réfugie dans la cathédrale : un chant liturgique et un motif satanique s'opposent quand le Dies Irae finit par étouffer les ricanements de Méphistophélès, l'esprit du Mal, obligé de fuir : ici, il semble adopter cette attitude de repli, à la fois contraint et ricanant. L'élongation grotesque et sophistiquée en fait un objet de délectation et d'humour pour amateur, les caricatures étant à la mode, comme le goût du macabre, à l'époque romantique. Ici, pas de connotation métaphysique mais un personnage drôlement fourbe et sarcastique, avec son sabot diabolique qu'il cache à l'arrière.