Dans Dalisu, New York, le visage de Muholi se dégage d’une masse de fils de laine noire drapée sur sa tête et ses épaules, emprisonnant le spectateur dans une conversation muette. L’intensification des contrastes en postproduction impose le
teint foncé de Muholi comme le point central d’une analyse multidimensionnelle des notions complexes de beauté, de désir, de terrains dangereux, de racismes et de « phobies » corrélées avec lesquelles nous composons tous les jours. Dalisu s’inspire d’une expérience désagréable dans un hôtel de New York où Muholi fut traitée comme quelqu’un qui demandait son chemin plutôt que comme une cliente. Elle explique : « Dalisu signifie “dresse un plan” […] Toutes ces petites questions s’additionnent et elles sont très agaçantes. On a l’impression d’avoir le visage recouvert d’une toile d’araignée, que l’on doit sans cesse décoller afin de respirer […] Dalisu exprime la sensation d’être étranglé vivant. »
Muholi compte parmi les grands photographes africains les plus influents d’aujourd’hui. « Militante visuelle » autoproclamée, elle s’est engagée à accroître la visibilité des Noirs, des lesbiennes, des gays, des bisexuels, des transgenres et des intersexuels d’Afrique du Sud et à appuyer leur combat pour l’égalité. Dalisu est une oeuvre clé de sa plus récente série d’autoportraits intitulée en zoulou « Somnyama Ngonyama » [Salut à toi, lionne noire]. Cette série utilise les conventions du portrait et de la photo de mode, ainsi que les tropes du portrait ethnographique pour réinterpréter la politique identitaire contemporaine.