En 1961, année de l'érection du Mur de Berlin, Richter quitte Dresde pour s'établir à Düsseldorf, en Allemagne de l'Ouest. Il y rencontre Polke et Fischer-Lueg, artistes avec qui il invente le « réalisme capitaliste ». Il s'agit de transposer en peinture des images de la banalité du monde contemporain telle qu'elle est véhiculée à travers ses nombreuses sources iconiques : prospectus publicitaires, magazines, photographies de famille. Au cours de sa longue et productive carrière, Richter manifeste une fascination critique pour les modes de construction de l'image, qui le conduira à explorer tout autant l'abstraction que la figuration. Il occupe de ce fait une position unique dans l'histoire de la peinture du vingtième siècle. « Puisqu'il n'y a ni raison ni vérité absolues, nous sommes toujours en quête d'une vérité humaine fondamentale mais non moins construite », note-t-il en 1962. Cette toile appartient au groupe des « Free Abstracts » que l'artiste développe au milieu des années 1980. Revenant en apparence à l'abstraction gestuelle, que Richter admirait pendant ses années de formation académique, ce magistral diptyque résulte en fait d'une approche analytique. La violente explosion de couleurs est contrôlée par l'application mécanique de la peinture, tandis que par endroits la surface, méthodiquement brossée, suggère des effets de paysage vus à travers un objectif photographique hors foyer, signe de la prégnance de ce mode de vision dans l'oeuvre de Richter.