Rouault a traversé son siècle en solitaire. Son expressionnisme mystique (il est profondément catholique) singularise son œuvre. L’artiste s’intéresse toute sa vie, et en particulier dans les années 1930, aux personnages de cirque qu’il représente souvent dans les coulisses. Voyant un vieux clown, il écrit un jour : « J’ai vu clairement que le “Pitre” c’était moi, c’était nous [...] presque nous tous [...] Cet habit riche et pailleté, c’est la vie qui nous le donne. » Ce tableau se démarque par son sujet, car le spectacle des artistes de cirque sur scène est rarement traité par Rouault. Sur la piste, une écuyère et d’autres acrobates font leur numéro; un athlète, mains sur les hanches, domine le centre de la composition. Les coins supérieurs montrent des plans inclinés, évoquant le chapiteau, comme si nous étions spectateurs dans les gradins. Caractéristiques de son style, les formes et les couleurs cernées d’un trait noir et épais rappellent le vitrail (Rouault fut apprenti peintre-verrier). La représentation du cirque devient ainsi pour l’artiste un rituel aussi grave qu’un acte religieux, une vision métaphorique et désenchantée des superficialités de la vie.
© Succession Georges Rouault / SOCAN (2021)