Jean-Baptiste Camille Corot aime peindre son univers intime et poétique à Ville-d’Avray, à l’ouest de Paris, entre Saint-Cloud et Versailles, où il possède une maison héritée de ses parents. L’artiste adopte très tôt cette Île-de-France au paysage sobre d’étangs et de bois, dépourvu de pittoresque ou d’agrément romantique. Acquérant une solide technique dans la pratique du paysage en plein air, Corot y peignait ce qu’il voyait. Ici, le motif architectural de l’écluse a certainement retenu son attention. Selon son habitude, le peintre a peut-être ajouté des figures de fantaisie — à l’image du pêcheur dans sa barque — pour animer sa toile.
Corot aime vivre entouré d’amis et prend pour habitude de peindre sur le motif en compagnie d’artistes. Reconnu de son vivant pour sa bonté d’âme, il n’hésite pas à offrir cette œuvre aussitôt achevée au paysagiste François-Louis Français, rencontré quelques années plus tôt à Barbizon. Le maître a par le passé permis au jeune Français d’entreprendre un voyage en Italie (1845-1849) qui se révélera déterminant dans l’évolution de son art et n’hésite pas à le conseiller dans sa pratique du paysage. Graveur et aquafortiste de talent, Français se fait l’interprète de l’œuvre de Corot en gravant plusieurs de ses œuvres pour Les Artistes anciens et modernes et pour Les Artistes contemporains. Ce tableau témoin d’une belle amitié dans la filiation maître-élève entre les deux artistes possède le charme, la sincérité et la fraîcheur d’une étude faite sur le motif.