Dans cette photo, peut-être la plus célèbre de l’artiste, Fosso aborde la complexité des relations entre les Africains et les pouvoirs coloniaux. L’image condense une multitude de lectures, des clichés occidentaux à la critique de chefs africains corrompus. Les batiks qui créent un arrière-plan décoratif presque matissien sont souvent considérés comme emblématiques d’une identité africaine. Pourtant, ils ont probablement été importés au milieu du dix-neuvième siècle par les Hollandais. Paré de bijoux clinquants, habillé d’une peau de léopard et d’une toque rappelant celles portées par Mobutu Sese Seko, il présente une moquerie à peine voilée du dictateur congolais. On appréciera également les emprunts aux canons de l’esthétique occidentale tels que les tournesols de Van Gogh.
Fosso est l’un des photographes africains les plus importants des trente dernières années. Né au Cameroun, il passe son enfance au Nigeria avant de rejoindre son frère en République centrafricaine. En 1975, il suit un apprentissage auprès d’un photographe local. La photographie connaît alors un engouement sans précédent auprès d’une jeunesse africaine qui, en ces lendemains de l’accession
à l’indépendance, entrevoit l’avenir avec optimisme. Il entreprend rapidement un travail personnel autour de l’autoportrait qui devient progressivement plus critique, utilisant le déguisement pour exprimer des thématiques identitaires.