« Déesse, viens encore aujourd’hui, délivre-moi de mes cruels tourments, accomplis les vœux de mon cœur, ne me refuse pas ton puissant secours », telle est la supplique de Sapho, amoureuse éconduite, à Aphrodite. Appuyée sur une colonne votive auprès de laquelle elle vient de faire une libation désespérée à la déesse de l’Amour, la poétesse grecque médite sur son proche suicide du haut du rocher de Leucate. Amante tragique plus que femme de lettres et courtisane, c’est ainsi que l’époque romantique aime la voir. Au Salon de Paris de 1848 où figure le modèle, le poète et critique Théophile Gautier s’enthousiasme : « [elle] pourrait passer pour une des œuvres du beau temps de l’art grec ou romain. » James Pradier excelle dans ce style mi-classique, mi-romantique, toujours voluptueux. Il multiplie les figurines gracieuses, voire érotiques, modèles qu’il vend aux nombreux éditeurs en cette époque de statuomanie.