Né dans une Pologne démembrée, ce fils de musicien révèle un talent précoce pour la sculpture. Quittant son pays opprimé, Biegas rejoint ses compatriotes exilés à Paris. Il fait rapidement partie du cénacle des artistes soutenus par Apollinaire, Marinetti et Verhaeren. Musicien et sculpteur, dramaturge et peintre, Biegas organise de fameuses soirées musicales dans son salon ouvert à toutes les disciplines dans l’esprit wagnérien de la synthèse des arts. Tel le barde nordique Ossian, Wagner, qui empruntait ses opéras aux légendes germaniques, est représenté jouant de la harpe. Son visage très reconnaissable, tête penchée et doigts nerveux, se perd dans l’écoute de sa création intérieure. Hiératique comme un monolithe primitif, sa stature totémique est dressée avec la force démiurgique d’un « surhomme ». Il fait corps avec son instrument qui, au contraire, traduit en méandres les tourments mélodiques de son âme inspirée. Si cette sculpture symboliste est marquée par l’esthétique Art nouveau, elle n’en demeure pas moins l’expression saisissante, et profondément originale, de Biegas.