Avec la série « Les femmes du Maroc », Lalla Essaydi revisite l’imagerie orientaliste de l’odalisque. Ici, elle fait référence à l’Odalisque ou La sultane (milieu des années 1870) du peintre académique Ferdinand Roybet, cherchant à dépasser la projection des fantasmes occidentaux pour mettre en avant la beauté de la culture arabe. Ses femmes qui prennent la pose ont le corps recouvert de textes peints à la main, dont le but premier est de détourner l’attention du regard voyeuriste. Ce texte au henné, inspiré de l’écriture coufique (délibérément indéchiffrable), ne cherche pas à donner un sens précis à l’image. Il ne reflète pas une histoire et se veut universel : la femme est en elle-même une page, un chapitre où l’artiste, le modèle et le spectateur s’interrogent pour inventer la part de récit. Essaydi évoque l’orientalisme dans une tentative de récupération des représentations occidentales. Elle arrive à affirmer son droit à l’autoreprésentation, tandis que des échos d’art européen repensé et la pure beauté de l’image (colombe : symbole de liberté) comblent le fossé entre l’Orient et l’Occident.