La pratique artistique de Ningiukulu Teevee est étroitement liée aux unikkaaqtuat, des légendes transmises de génération en génération dans l’Inuit Nunangat (les régions inuites du Canada). Teevee illustre ici l’origine du narval. Une version de la légende met en scène une femme dotée d’une magnifique chevelure et dont le corps est couvert d’ecchymoses. Elle avait épousé un homme qui la maltraitait. Un jour, dans un accès de colère, il la jette à la mer. Elle s’enfonce dans l’eau. Le courant enroule ses longs cheveux en une défense spiralée et transforme son corps en narval, changeant ses ecchymoses en d’élégantes marques et la libérant enfin des griffes de son mari.
Dans cette version contemporaine de l’origine du narval, Teevee remplace les taches du mammifère par des codes QR, les petits modules célébrant ici des technologies traditionnelles : qamutiq (traîneau), qulliq (lampe à huile) et ulu (couteau réservé aux femmes). Le dessin, qui rend hommage à l’endurance des Inuits, et plus particulièrement des femmes, qui ont su surmonter l’adversité, est un très bel exemple de futurisme autochtone. Les Inuits et autres groupes autochtones sont depuis longtemps étiquetés comme peuples primitifs relégués au passé. La fusion entre les technologies futuristes et les thèmes traditionnels s’impose comme une façon percutante pour les artistes de témoigner la résilience de leur culture en l’imaginant au prisme du passé, du présent et du futur.