Les années 1790 furent une période de transformation stylistique et d'intense activité pour Goya. L’artiste tombe gravement malade et cette maladie va le rendre sourd. Il manifeste une acuité d’observation redoublée, peut-être encore accrue par la perte de l’audition, tant dans le portrait proprement dit que dans la caricature. Cette toile témoigne à la fois de l’évolution stylistique de Goya et de ses liens avec l’esprit des Lumières, bientôt étouffé en Espagne sous une vague réactionnaire guidée par l’opportunisme politique. Le modèle est aussi un magistrat réformateur éclairé : nommé juge à la cour d’appel de Séville en août 1791, Altamirano a conservé ce titre jusqu’à sa mort en 1800. Le portrait intime et sincère reflète la fidélité à la nature que Goya préconise. Il met en valeur la sagesse et la gravité du modèle aux cheveux raides et gilet élégant, qui fixe le spectateur, isolé dans son cadre ovale sans aucun arrière-plan. Tous ces procédés picturaux contribuent à souligner le sentiment de vulnérabilité d'Altamirano, qui se tient sur ses gardes en ces temps incertains.