Berthe Weill, galeriste de l’avant-garde parisienne

Les prémices
Weill doit l’évolution de sa carrière à son passage, pendant une vingtaine d’années, dans la boutique de Salvator Mayer, un cousin éloigné qui fait le commerce des objets anciens, des peintures et des gravures. À la mort de ce dernier, en 1896, elle suit ses traces et ouvre une modeste boutique d’antiquaire qui propose des œuvres sur papier, des caricatures et des objets de collection.

La Galerie B. Weill
En 1901, Weill convertit sa boutique d’objets anciens en une galerie d’art qu’elle baptise Galerie B. Weill. Avec le concours de l’homme d’affaires catalan Pedro « père » Mañach, elle fait appel à des proches du monde de l’art pour lancer son commerce. C’est Mañach qui la convainc de privilégier les artistes de son époque et qui la seconde pendant les premiers mois d’existence de l’établissement.

Pablo Picasso à la Galerie B. Weill
Weill fait la connaissance de Picasso en 1901 par l’entremise de Pedro Mañach, qui partage un atelier avec lui boulevard de Clichy. Elle présente, au cours de la seule année 1902, les tableaux et dessins de l’artiste catalan dans quatre expositions collectives et continue à le faire pendant les trente années suivantes, même s’il confie ses ventes à d’autres marchands tels que Clovis Sagot et Ambroise Vollard.

Les fauves entrent en scène
La Galerie B. Weill expose une majorité d’artistes fauves avant que le mouvement n’attire l’attention de la critique. Ce nom apparaît sous la plume du critique d’art Louis Vauxcelles, qui invente la formule « cage aux fauves » en réaction à la facture brute et aux tons agressifs des tableaux exposés au Salon d’automne cette année-là. Malgré le scandale qu’elles suscitent, ces œuvres font vite l’objet d’une forte demande.

Un espace pour le cubisme
À partir du début des années 1910, Weill expose le travail de plusieurs artistes qui adoptent le vocabulaire géométrique du cubisme inauguré par Georges Braque et Pablo Picasso. Bien qu’elle les connaisse depuis des années, ces deux artistes confient la vente de leurs œuvres cubistes à des concurrents mieux nantis. Weill figure néanmoins parmi les premières galeristes à offrir une vitrine à d’autres tenants de ce mouvement artistique en plein essor, dont Fernand Léger, Albert Gleizes et Jean Metzinger.

« Nus somptueux, figures anguleuses, portraits savoureux »
Son admiration envers Modigliani pousse Weill à lui offrir la seule exposition particulière tenue de son vivant, qui s’ouvre le 3 décembre 1917. Plus d’une trentaine de tableaux et de dessins sont présentés. Les nus s’y trouvent en petit nombre, mais leur pilosité apparente déclenche un scandale. Weill se voit donc contrainte de fermer l’exposition et de décrocher les toiles pour ne pas se les faire confisquer. De son propre aveu, elle n’en vend aucune, sinon celles qu’elle a elle-même achetées.

L’art de tous horizons
Bien que Weill contribue à lancer la carrière de dizaines d’artistes de la relève – « les Jeunes », comme elle se plaît à les appeler –, son inlassable curiosité et sa farouche volonté de soutenir ses protégés vont souvent à l’encontre de la santé financière de sa galerie. Elle fait la promotion à maintes reprises d’obscurs expatriés dépourvus de relations à Paris et défend ardemment les femmes artistes dans un marché de l’art sexiste et parfois sectaire.

Les dernières années de la Galerie B. Weill
La Galerie B. Weill ferme ses portes en 1941 sous l’occupation nazie de Paris. Son manque de ressources financières permet toutefois à Weill de se faire discrète jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Désargentée et en mauvaise santé, elle vit dans des conditions précaires. En décembre 1946, plusieurs artistes et galeristes de renom organisent un encan-bénéfice pour lui apporter du soutien, ce qui lui permet de couler des jours paisibles jusqu’à sa mort, en 1951.